Au moment où nous commémorons l’assassinat de Samuel Paty dans les écoles, au-delà du deuil que nous vivons encore à la suite des assassinats à Conflans-Sainte-Honorine et à Nice, ces événements dramatiques bousculent des habitudes ou certitudes que nous pouvions avoir.

Chaque enfant est un trésor et tous ceux qui se mobilisent pour faciliter la révélation de leurs talents doivent être aidés et encouragés. C’est ici l’avenir de notre société qui se joue.

Antoine de Saint-Exupéry nous a dit, « Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer ».

Je crois qu’il faut faire naître le désir de la vie apaisée, pierre angulaire d’une société pérenne. L’école est une pièce maîtresse de cette dynamique féconde. L’école – en alliance avec les parents – doit apporter aujourd’hui sa pierre à l’édifice de la société de demain. Après la famille, l’école est la toute première société où les élèves découvrent et pratiquent l’altérité, où s’apprend la fraternité.

Ce sont surtout des actions quotidiennes et concrètes, au-delà des mots, qui marquent les élèves. Une maman nous confiait ce témoignage récemment : des professeurs qui déjeunent avec les élèves, jouent avec eux dans la cour de récréation ; des activités organisées par équipe afin de responsabiliser chacun dans son rôle vis à vis de la petite communauté éducative ; une communauté où l’on rentre avec la remise d’un uniforme et où les meilleurs – et pas seulement sur le plan scolaire mais aussi pour leur engagement et leur générosité – sont reconnus et valorisés devant tous et face au fanion de l’école, le drapeau français et le drapeau européen ; une communauté éducative ouverte sur l’extérieur par des visites aux personnes âgées du quartier et des découvertes du patrimoine qui les entourent ; la découverte du trésor commun fondateur de ce « nous » qui conjugue les « je ».

Notre société saigne. Les jeunes – en écho peut-être de leurs parents – ont peur de l’autre et de cet environnement qu’ils n’ont jamais « rencontré » véritablement. Si les attaches numériques donnent l’illusion de la rencontre et de la diversité, elles sont souvent en réalité synonymes d’enfermement, de ghettoïsation. Et pourtant, nous disposons d’un folklore – au sens étymologique – exceptionnel. Ce trésor du peuple, qui appartient à tous, n’est pas assez connu ni même partagé. La société actuelle crée des orphelins de ce « nous ». L’école doit résolument y remédier et fonder ce « nous ».

Reste des questions difficiles dans notre société fracturée, celles de l’apprentissage de la liberté pour chacun des plus jeunes, celles du religieux et de sa place dans une société laïque, celles de la liberté de pensée, celles de l’esprit critique et du rôle de la raison dans la connaissance, … 

Pourquoi alors ne pas nous tourner vers l’histoire de France qui illustre justement comment notre pays a réalisé cet apprentissage ? Ce long processus de découverte de la liberté, avec ses hauts et ses bas, ses débauches de générosité, ses chutes et ses rétablissements ? Regardons l’histoire, notre histoire, découvrons-là et ensuite faisons-là aimer. 

Par l’école, faire connaître et faire aimer ce patrimoine, si riche d’enseignement et dont tous les jeunes sont les héritiers, est une des clés pour sortir du cercle infernal de la violence.  Serons-nous à la hauteur de cette attente ? C’est la question posée aujourd’hui par l’actualité.

Nous devons y répondre collectivement avec beaucoup de détermination, sereinement. La liberté d’expression conjugue liberté de conscience et responsabilité. Elles s’apprennent à l’école sans prendre les jeunes pour des adultes, en respectant leur histoire propre et leur pudeur. Elles sont le fruit d’une confiance qui se construit tous les jours, sur la base d’une relation authentique entre le corps professoral, les parents et leurs enfants. Ainsi, nourrie de ses racines profondes, l’aventure française a un avenir dans une liberté pleine et entière vécue au quotidien.

Eric Mestrallet
Fondateur d’Espérance banlieues