Espérance banlieues a été honorée par la Fondation Charles Defforey de l’Institut de France. Lors de la 20ème remise des Grands Prix des Fondations, tenue sous la Coupole mercredi 19 juin 2024, nous avons reçu le Grand Prix pour l’apprentissage du français. Cette distinction souligne l’engagement des enseignants du réseau Espérance banlieues et valorise douze ans d’actions pour la transmission des savoirs fondamentaux, notamment le français. Retour sur cette cérémonie avec Éric Mestrallet, fondateur délégué d’Espérance banlieues, pour en savoir plus sur cette reconnaissance.

Que représente pour vous et pour les écoles Espérance banlieues le fait de recevoir ce Grand Prix pour l’apprentissage du français remis par l’académicienne Barbara Cassin ?
Ce prix souligne l’importance cruciale que nous accordons à l’apprentissage du français au sein de nos écoles. Pour nous, c’est bien plus qu’une matière scolaire, c’est un outil fondamental qui ouvre des portes aux savoirs, à la culture et à l’intégration sociale de nos élèves.

Au-delà de cette validation, je voulais souligner l’encouragement à destination de chaque professeur et chaque directeur des écoles Espérance banlieues du réseau, pour le travail fait. On peut même dire que chacun des membres (professeurs et éducateurs, l’équipe pédagogique et l’équipe nationale, mais aussi l’ensemble des 500 bénévoles) reçoit ce prix. Quelle reconnaissance, quel encouragement à poursuivre notre mission avec encore plus de détermination et d’enthousiasme, afin d’offrir à chaque enfant les meilleures chances de réussite et d’épanouissement personnel.

L’académicienne a conclu son discours en parlant des écoles Espérance banlieues par : « Simplement les écoles qu’il faut, là où il faut, et sans doute, sur ce modèle-là, les faudrait-il partout. » Cela est engageant… 

Bien sûr, cela constitue à la fois un encouragement très valorisant pour tous les acteurs du quotidien, mobilisés dans nos équipes locales et nationales. Mais le fait que notre proposition soit qualifiée de modèle, qui vise l’excellence, l’épanouissement de la personne par l’accompagnement individualisé, soit reconnu ainsi, nous encourage à poursuivre le déploiement et étudier, travailler à la manière dont il pourrait être plus largement mis en œuvre auprès des institutions existantes. Cela renforce ma conviction originelle que chaque initiative, aussi modeste soit-elle, peut avoir un impact significatif et positif pour notre société. Nous avons commencé cette aventure il y a 12 ans… Le modèle a fait ses preuves avec plus de 3 500 enfants et adolescents accompagnés. Sans doute, doit-il se développer plus largement encore. 

Le jury a souligné qu’avec les écoles, vous accompagnez élèves et familles dans la découverte de la culture française. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de ces initiatives et de leur impact sur les élèves ?

Nos professeurs s’inscrivent dans le programme d’apprentissage du français du ministère de l’Éducation nationale. Les méthodes utilisées et la posture du professeur-éducateur veillent à ancrer les apprentissages dans le réel, à rendre les enfants acteurs de leur apprentissage. Ces apprentissages sont enrichis par des activités qui permettent aux élèves de découvrir le patrimoine et la culture française. Par exemple, les écoles organisent régulièrement des sorties culturelles vers des musées, des monuments historiques, et même au Sénat, les balades en forêt ou des randonnées au cœur des territoires de nos provinces… Ces expériences immersives aident les élèves à mieux comprendre et apprécier, goûter, l’histoire, la géographie, la gastronomie et la culture de leur pays, renforçant ainsi leur sentiment d’appartenance, leur envie de s’investir et leur motivation scolaire. Ces initiatives ont un impact positif, stimulant la curiosité des élèves et rend concret un apprentissage théorique. Elles entraînent aussi les parents et fratries.

___

Discours de madame Cassin, lors de la remise de ce Grand Prix.
Barbara Cassin, philosophe et philologue française a été élue à l’Académie française en 2018.

Nous avons eu cette année à départager 15 candidatures de tailles très variables, mais toutes enthousiasmantes. Nous n’avons pas souhaité choisir des structures déjà très importantes et depuis longtemps implantées dans le paysage français, pour lesquelles le prix n’aurait pas changé grand-chose. Pas non plus de toute jeune pousse dont l’action et l’impact ne sont pas encore confirmés. Nous avons à l’unanimité classé en premier Espérance Banlieues.

Cette association, créée en 2012, œuvre dans les quartiers prioritaires pour refaire société dans les périphéries avec ceux qui se sentent oubliés du système. La première école s’est ouverte à Montfermeil, le réseau en comprend aujourd’hui 17 et une 18e va s’ouvrir, ou devrait s’ouvrir, à Bordeaux à la rentrée 2023. Ces écoles ont totalisé 1 050 élèves, maternelle, primaire, collège, dans des classes qui ne comptent pas plus d’une quinzaine d’élèves par classe. On y applique scrupuleusement les programmes de l’Éducation nationale, mais le premier objectif est de remédier au décrochage scolaire si préoccupant aujourd’hui, si grave pour les jeunes, en instaurant d’emblée des parcours individualisés avec des professeurs qui sont aussi des éducateurs.

La grande originalité d’Espérance Banlieues est très simple : elle consiste à s’appuyer sur ce qu’elle appelle le triangle éducatif : enfants, parents, professeurs. Ce sont les familles qui sont touchées, et pas seulement les élèves. Les parents sont de fait les premiers éducateurs des enfants et les écoles d’Espérance Banlieues construisent une relation qui vise à leur donner confiance dans leur capacité à être parents. De manière analogue, le fondement de la pédagogie est de développer la prise de conscience de l’élève, le sens conscient de chaque apprentissage, comme la seule chose qui donne vraiment envie d’apprendre, au-delà de la seule réussite scolaire.

L’école a tout un dispositif de propositions concrètes culturelles et artistiques, avec une place prioritaire accordée à la fréquentation des chefs-d’œuvre du patrimoine, qu’ils soient locaux, régionaux, nationaux. L’école n’est en somme qu’une première communauté qui ouvre sur des communautés plus larges liées à la langue et à la culture françaises. Le projet de développement consiste à favoriser encore davantage les bases que sont l’apprentissage de la lecture à voix haute et de l’écriture, en organisant notamment des concours nationaux toujours dans les quartiers prioritaires, toujours en intégrant les familles, auxquelles on propose des cours de français et des clubs de lecture.

Ces écoles d’Espérance Banlieues, qui ont touché quelque 3 000 élèves depuis la rentrée 2012 avec un taux d’absentéisme égal à zéro, nous ont semblé être tout simplement les écoles qu’il faut, là où il faut, et sans doute, sur ce modèle-là, les faudrait-il partout.