Comment apaiser la violence que connaissent certains quartiers prioritaires ? Comment répondre à l’urgence éducative dans des territoires fracturés et isolés ? Est-il possible de réconcilier, de refaire société ? La réponse éducative d’Espérance banlieues, des écoles innovantes au cœur des quartiers prioritaires.

Constat d’une société fracturée

Pour un grand nombre de français, la sidération était totale face au déchainement de violences qu’a connu la France pendant quatre nuits consécutives au début de l’été. Nous avons été interpellés collectivement par le constat d’une société fracturée, où la violence, inacceptable, est aussi l’expression d’un mal-être. Où les jeunes de certains quartiers, déracinés de leur propre pays, la France, se positionnent en adversaires de l’État et du reste de la société française. Beaucoup de choses ont été dites, mais que retient-on réellement ? Quelles solutions avons-nous à proposer pour permettre cet apaisement dont notre société a tant besoin ? Après la force de l’émotion et de l’interpellation collective, le danger qui nous guette est de remettre un voile pudique sur ce qu’il s’est passé, et d’attendre avec fatalité la prochaine éruption de violence.

Car au-delà même des nombreux dégâts matériels et des personnes blessées, c’est la réconciliation de notre société qui est remise en question. Comment imaginer une telle fracture entre deux mondes pourtant si proches ? Peut-être parce que des murs invisibles nous séparent, ne laissant plus de place à l’altérité, cette valeur si précieuse qui permet d’oser la rencontre, de décloisonner les environnements et d’apporter une forme d’harmonie entre deux mondes pourtant très différents.

L’école, première petite société

Ces événements tragiques confirment avec force l’intuition des écoles Espérance banlieues : faire de l’école la première petite société, où l’enfant et l’adolescent découvrent l’altérité et construisent leur sentiment d’appartenance à la société française. Dans nos écoles, nous considérons que nous avons besoin de partager des choses, de découvrir le commun qui nous unit, pour bâtir la société dans laquelle nous vivons.

Mais ce sentiment d’ancrage, d’abord à son école, puis à son quartier, à sa ville et enfin à son pays, ne peut se réaliser s’il n’est pas déployé au premier des échelons. La frénésie et l’escalade de violence qu’ont connues certaines villes manifestent bien tristement la défaite d’une école qui n’a pas su ancrer ses élèves dans une réalité commune et partagée ; la défaite d’une école qui n’a pas su permettre à ses jeunes de se projeter positivement dans la société française ; la défaite d’une école, dépassée par la difficulté d’appréhender l’altérité et de favoriser l’intégration.

La réponse d’Espérance banlieues

Évidemment, le chantier est immense, les moyens limités, les ressources fatiguées … Mais les initiatives ne manquent pas pour essayer de répondre à cette double crise, bien évidemment liées, de l’école et des banlieues. Si nous revenons à la définition du concept d’intégration que donne Émile Durkheim, sociologue français du XIXème siècle, nous comprenons que celle-ci participe conjointement de la volonté de l’individu à s’intégrer, et de la capacité du groupe à accueillir l’intégration.

Aujourd’hui, nous pouvons nous interroger sur la faculté de l’école à permettre cette « intégration », compte-tenu de la difficulté pour beaucoup de jeunes de s’approprier les conflits d’identité qu’ils peuvent traverser, brouillant le sentiment d’appartenance entre leur pays d’origine et leur nationalité française.

Et pourtant, dans les écoles Espérance banlieues, nos élèves, pour beaucoup issus d’origine étrangère, assistent à la levée des couleurs et chantent la Marseillaise, symbole d’un attachement à la République, à la France et à l’Europe.

Nombreux sont nos élèves qui ont participé aux cérémonies du 11 novembre et du 8 mai, aux côtés des élus de nos villes pour déposer une gerbe de fleurs sur les monuments aux morts, faisant mémoire de ceux qui se sont sacrifiés pour que nous puissions vivre en hommes et femmes libres.

Main dans la main avec les parents, premiers éducateurs

Comme explication des émeutes et de l’absence de contrôle de ces jeunes, parfois encore adolescents, beaucoup ont pointé la déficience de l’autorité parentale.

Dans les écoles Espérance banlieues, parents et professeurs font alliance, développant une confiance mutuelle qui favorise la rencontre et l’altérité. Forts de la confiance tissée avec les équipes éducatives, les parents sont entrainés par leurs enfants et bénéficient d’une offre d’accompagnement à la parentalité qui permet de renforcer l’harmonie entre l’école et la famille.

Aujourd’hui, nous commençons à déployer des activités au-delà des horaires de l’école à destination des élèves mais aussi des familles et des anciens élèves. En partenariat avec les associations de quartier (sports, ateliers de parentalité, découverte du patrimoine local …), nous souhaitons rendre cohérents les différents environnements de nos élèves, et ainsi limiter les dissonances entre la famille, l’école et le quartier. Notre modèle d’école, de 150 élèves maximum, « entraine » dans son sillon 2 500 à 3 000 personnes à refaire société dans la bienveillance et l’exigence.

Une révolution éducative

Nous pensons qu’une révolution éducative est à initier en France, pour repenser notre système afin de créer ces espaces de proximité qui permettent à la confiance de grandir, et de favoriser le sentiment d’appartenance à la société française. Comme Durkheim le réaffirme dans L’Education Morale, l’intégration de tout individu à la société commence à l’école, première “petite société”, qui ouvre ensuite à la “grande société”.

Depuis dix ans, nous sommes présents sur le terrain et nous voyons des parents et des élèves qui se projettent, sereinement et ensemble, vers l’avenir. Nos écoles, des îlots de calme au cœur de quartiers parfois chahutés, sont une solution pour lutter contre la fracture sociale et culturelle. Depuis l’ouverture de notre première école, nous avons formé 3 500 élèves.

Nous constatons que ces transformations offrent de nouvelles perspectives pour notre système éducatif, et aider la jeunesse française à se projeter dans une société qui saura lui donner une place.

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